Une bonne semaine est passée et nous sommes déjà en décembre...
Il y a des nœuds dans mon ventre mais aussi dans ma tête car je commence à sombrer dans le coté obscur de l'angoisse. Mon cœur bat plus vite que d'habitude et j'essaye tant bien que mal de me calmer.
J'ai contacté le laboratoire au moins 2 fois cette semaine pour savoir si les résultats de la biopsie étaient arrivés et à chaque fois on me disait que non. J'ai pris mon mal en patience car cette semaine m'a paru interminable, une torture pour l’esprit.
Maintenant, je suis plus calme mais j'attends que le Dr André me rappelle comme me l'a demandé la secrétaire que j'avais eu dernièrement au téléphone. Bien, je vais attendre en pensant à autre chose.
J'allume ma xbox et je commence à consoler sur mon jeu favoris du moment Gears of war 3, un jeu bourrin avec des gros bras made in US qui raflent tout sur leur passage. A coups de Lanzor (une arme redoutable) et de fusil à pompe je me déchaîne sur cette armée de Locustes venus envahir la Terre.
Ça me fait du bien et j'arrive à oublier l'appel de ma vie, le plus important depuis longtemps. Je suis posé sur mon confortable lit et je joue comme si rien n'importait.
Mon téléphone sonne, je décroche au bout de la deuxième sonnerie c'est le Dr André.
- Bonjour.
- Bonjour docteur.
Mon cœur va sortir de ma poitrine.
- Nous avons reçu vos résultats, il va falloir venir au laboratoire. Pouvez-vous vous libérer tout de suite ?
Le ton de sa voix est neutre, il ne laisse rien paraître comme à son habitude.
Je ne cherche même pas à lui demander les résultats par téléphone car je sais que ça ne sens pas bon. Si c'était bénin, il me l'aurait dit au téléphone, donc je prends un manteau, me regarde dans le miroir et fais quelques retouches à mon maquillage. Malgré tout, je ne veux pas me laisser aller, pas maintenant.
Il est presque 11h30 quand j'arrive au labo, la salle d'attente est blindée ! J'attends à peine 10 minutes debout devant toutes ces personnes. Le Dr André ouvre une dés portes au rez de chaussée et appelle mon nom. J'avance vers lui, le cœur entre mes mains pour ne pas qu'il s'affale par terre devant tant de monde. Il ferme la porte derrière nous et me salue, il est moins coincé mais plus direct.
- Mademoiselle, vos prélèvements démontrent bien que le nodule que nous avons découvert présente un aspect d'ADÉNOCARCINOME CANALAIRE INFILTRANT DE GRADE 2*.
Mon visage se crispe, je sens mes larmes montées comme une crue éclaire.
Je craque et fond en larme sans bruit car je suis fatigué mentalement, comme si mon cerveau s'était éteint un moment. J'ai un cancer...
* Les grades d'un cancer du sein
3 critères sont évalués :
- L'apparence des cellules cancéreuses (ou architecture cellulaire)
- La forme du noyau
- Le nombre de cellules en division (ou activité mitotique)
Chacun de ces 3 critères est évalué et une note allant de 1 à 3 lui est attribuée :
De manière générale :
- Le grade I correspond aux tumeurs les moins agressives ;
- Le grade III correspond aux tumeurs les plus agressives ;
- Le grade II est un grade intermédiaire entre les grades 1 et 3.
Le médecin me regarde sans bouger, il ne dit pas un mot le temps que je puisse enfin lui répondre. Mais je ne sais pas quoi dire, je suis si jeune... je ne bois pas, je ne fume pas, je fais attention à mon alimentation... je ne fais pas beaucoup d'exercice certes, mais c'est pas quand même le manque d'activité physique qui me vaut se foutu cancer ! Des tas d'idées incongrues me passent par la tête, je m'embrouille et je me fais de films.
Dr André, essaye de me parler et me dit que le Dr P. la gentille chirurgienne, s'occupera bien de moi et que je ne ferais peut-être que de la radiothérapie car mon cancer n'est pas très développé. Je l'écoute et j'essaye de me calmer sans pour autant sécher mes larmes qui ne cessent pas. Je quitte son bureau, je ravale un sanglot juste avant de passer par la salle d'attente bondée pour m'enfuir. Malgré tout, les gens me regarde car mes yeux sont gonflés et tout rouge, je le remarque même si mon esprit est ailleurs.
Je regagne ma voiture, je m'enferme et j'essaye de respirer lentement pour me calmer mais rien y fait, je craque à nouveau. Des larmes et encore des larmes qui ne s’arrêtent plus, les vannes sont ouvertes attention à l'inondation !
Arrivée à la maison, je ne passe pas par 4 chemins. Ma famille voit dans quel état je suis et ils comprennent tous la triste nouvelle que je vais leur annoncer. Ma mère lâche un sanglot qui me brise le cœur, la suit ma sœur très sensible qui ne peut vraisemblablement plus se retenir. Mes frères sont abasourdis, ils ne comprennent pas vraiment ce qui se passe, après leur mère voici que la plus jeune de la famille tombe malade à son tour. Ils sont tous anéantis.
Je reste à peu prés 10 minutes pour leur expliquer et leur donner la feuille avec les résultats de la biopsie puis je monte dans ma chambre.
Mon reflet dans le miroir fait peur, je suis toute rouge et me yeux sont gonflés, tellement gonflés. Cette image de moi ne fait qu'alimenter mes larmes qui ne perdent pas de leur intensité.
Ma sœur et ma mère me rejoigne 30 minutes plus tard. Elles se posent sur mon lit à coté de moi, elles essayent de me rassurer mais bientôt j'ai l'impression que c'est moi qui doit les rassurer car je commence à me faire lentement à cette nouvelle.
J'ai pleuré pendant 3 jours à peu prés, puis je me suis habitué à l'idée d'avoir un cancer, en tout cas c'est ce que je croyais car sur le moment je pensais pouvoir affronter cette nouvelle. Mais le cancer est pour ma part une suite d'obstacles qui semblent infranchissables et j'ai sans cesse l'exemple de ma mère pour me rappeler à quel point il est difficile de vivre cette maladie.
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